29 JANVIER 2024
Ce jeudi 25 janvier 2024, le Conseil constitutionnel a censuré le projet de loi « immigration », adopté après un feuilleton parlementaire conclu par une surenchère inquiétante, considéré comme une victoire par les élus du Rassemblement National.
Plusieurs dispositions honteuses ont heureusement disparu du texte qui a été promulgué ce 26 janvier. Si certains articles ont été jugés non conformes à la Constitution sur le fond, plus du tiers ont été censurés uniquement pour des questions de forme, car dénués de lien avec le projet de loi initial, laissant présager la possibilité d’une adoption future dans le cadre d’un autre texte. Par ailleurs, les articles 37, 39 et 44 ont quant à eux été validés, ce qui suscite notre inquiétude.
Le premier prévoit un élargissement des obligations de quitter le territoire français (OQTF) à des personnes jusqu’ici protégées. Il sera désormais possible, par exemple, de notifier une OQTF à des personnes arrivées en France avant l’âge de 13 ans et résidant sur le territoire depuis. Cela peut potentiellement concerner des enfants accompagnés par Hors la rue, nés en France et ayant toujours vécu en bidonvilles.
Le second concerne la création d’un fichier national des « mineurs étrangers non accompagnés délinquants », en complément du déjà controversé fichier national des mineurs non accompagnés (MNA). La rédaction de cet article laisse présager une appréhension purement sécuritaire de ces mineurs. En effet, l’objectif d’identification de mineurs soupçonnés d’avoir commis des actes de délinquance occulte les réalités d’emprise complexe et les mécanismes d’exploitation dont certains sont victimes.
Enfin, l’article 44 vise à exclure les jeunes majeurs s’étant vus adresser une OQTF de la possibilité de bénéficier d’un contrat jeune majeur (CJM), permettant aux garçons et filles de 18 à 21 ans de prolonger leur prise en charge par l’aide sociale à l’enfance.
Nous avons constaté ces dernières années que ces dispositifs permettaient à des jeunes étrangers aux parcours complexes et traumatiques de se raccrocher à un parcours d’insertion. Cette mesure qui traduit la méconnaissance du terrain de la part de législateurs va maintenir ou précipiter dans l’errance des jeunes dont certains ont pu bénéficier d’une mesure de protection de l’enfance. Elle va priver les acteurs de l’accompagnement d’un outil précieux pour lutter contre les atteintes à la dignité dont ils sont victimes. Elle va permettre à ces formes de criminalité organisée de prospérer en rendant utopique la perspective d’une stabilisation administrative.
Nous tenons à rappeler que le 12 janvier dernier, le tribunal correctionnel de Paris a reconnu 17 MNA contraints à voler au Trocadéro victimes de traite des êtres humains à des fins de commission de délit. Certains de ces jeunes, toujours en errance et désormais jeunes majeurs pourraient prétendre à un CJM. Demain, à la suite d’un banal contrôle d’identité entrainant la délivrance d’une OQTF, ils pourraient se voir priver de la possibilité de bénéficier d’un accompagnement, alors même que ce procès a démontré que notre système judiciaire avait été trompé par les personnes qui les exploitaient.
Ces enfants, désormais fichés et possiblement exclus de certains dispositifs, conditionnés par des discours d’adultes malveillants leur assurant que la France n’a rien à faire d’eux, risquent d’être entretenus dans leur méfiance à l’égard de nos institutions.
Les postures politiques déconnectées de la réalité du terrain risquent d’empêcher la justice de juger sur le fond et dans toute leur complexité des affaires alors que des décisions récentes ont justement permis de mettre en lumière la situation réelle que vivent les mineurs victimes de traite.
Les dispositions des articles 37, 39 et 44 risquent malheureusement d’alimenter les troubles à l’ordre public générés par l’exploitation de la délinquance de ces enfants. Les atteintes aux droits fondamentaux des jeunes étrangers victimes de traite des êtres humains s’en trouveraient ainsi entretenues, risquant de servir de marchepied aux fossoyeurs de nos valeurs fondamentales.
Depuis 2004, Hors la rue identifie et accompagne les mineurs étrangers en danger à Paris et en Île-de-France. Nous travaillons chaque jour à une meilleure reconnaissance et à l’application concrète aux mineurs étrangers en danger des règles internationales et nationales relatives aux droits de l’enfant.
Notre mission est d’identifier, de protéger, et d’accompagner vers le droit commun les mineurs étrangers en danger en France en vue d’une réelle intégration sociale et économique en étroit partenariat avec l’ensemble des acteurs présents dans le cadre des dispositifs de protection de l’enfance. Nous œuvrons également à une meilleure connaissance et prise en compte du phénomène des enfants étrangers en danger sur notre territoire. Nous sensibilisons les acteurs institutionnels, les pouvoirs publics et, d’une manière générale, la société civile, afin de faire évoluer le cadre réglementaire de prise en charge de ces enfants, que ce soit au niveau français ou international.
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Gauthier Berenfeld – Chargé de communication : gauthier.berenfeld@horslarue.org / 07 84 90 52 75
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