Le profil des victimes de contrainte à commettre des délits accompagnées par les associations en 2022


La Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) et le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) ont publié les résultats de la 7e enquête annuelle sur les victimes de traite des êtres humains (TEH) accompagnées par les associations en France en 2022. Cela fait plusieurs années des dizaines d’associations, dont Hors la rue, partagent leurs chiffres, leurs constats de terrain et leurs analyses afin de tenter d’appréhender de manière statistique la traite des êtres humains.

Les résultats présentés sont à considérer avec précaution : toutes les victimes de TEH ne sont pas accompagnées par des associations, et toutes les associations accompagnant des victimes ne participent pas à cette enquête. Ces résultats ne permettent donc pas de représenter fidèlement l’ensemble des victimes de traite mais de dégager certaines tendances.

 

Cette année, 2675 victimes ont été accompagnées par 69 associations. La vulnérabilité de ces victimes, leur grande précarité ainsi que l’emprise exercée par les exploiteurs rendent ce phénomène très difficile à saisir et à documenter.

Cela est particulièrement vrai pour les mineurs victimes, dont le nombre a augmenté par rapport à 2021. C’est au total 409 enfants et adolescents qui ont été suivis par les associations en 2022. 148 d’entre eux étaient considérés comme mineurs non accompagnés (MNA), ce qui représente également une augmentation par rapport à l’année précédente.

 

La contrainte à commettre des délits

Parmi ces derniers, 82% ont été contraints à commettre des délits. 195 victimes de cette forme d’exploitation ont été accompagnées en 2022, soit 7% de l’ensemble des victimes. Ces dernières proviennent de 12 pays différents, tous d’Afrique ou d’Europe. L’Afrique du Nord est particulièrement représentée, avec près des trois quarts des victimes qui proviennent d’Algérie et du Maroc.

Il s’agit de la seule forme d’exploitation où les mineurs sont majoritaires parmi les victimes. Il s’agit dans la quasi-totalité des cas de MNA, dont l’âge, le parcours d’errance et la précarité des conditions de vie en font des victimes idéales pour les organisations criminelles.

Aux yeux de ces dernières, ces jeunes représentent une main d’œuvre particulièrement facile à recruter, à exploiter puis à remplacer et à laquelle ils font croire que la minorité amoindrit le risque de poursuites pénales.

 

Une emprise chimique

L’emprise exercée sur ces jeunes est renforcée par le mésusage médicamenteux. Il est en effet partie intégrante de ce phénomène d’exploitation. Les médicaments, du Rivotril (benzobiazépine) et du Lyrica (prégabaline), leur sont donnés par les adultes exploiteurs à leur arrivée sur le territoire. La dépendance s’installe rapidement suivie d’une emprise chimique : les jeunes volent pour se procurer leurs consommations, qui leur sont fournies par leurs exploiteurs auprès desquels ils reviennent donc continuellement. En 2022, 94% des victimes de contrainte à commettre des délits étaient en situation d’addiction.

 

Un statut auteur/victime et des victimes invisibles

En plus de la minorité des victimes, une des caractéristiques de cette forme d’exploitation est le statut auteur/victime des personnes exploitées, dont les conduites délinquantes les éloignent de la représentation de la « victime idéale ». Elles sont pour beaucoup uniquement considérées comme délinquantes. Leur absence de conscientisation de leur statut de victime, leur très grande mobilité, leur méconnaissance de leurs droits et leur méfiance vis-à-vis des adultes et des institutions en font des victimes quasiment invisibles.

Ainsi, seule une sur dix a porté plainte en 2022. Si ce chiffre paraît très faible, il est néanmoins en nette augmentation par rapport à 2021, où uniquement 1% des victimes avaient dénoncé leur exploitation.

 

Cette augmentation concorde avec celle du nombre d’enquêtes pour des faits de contrainte à commettre des délits (comme ce fut récemment le cas à Paris, à Lyon, à Nantes et à Bordeaux), et du changement de regard porté sur les victimes, qui commencent à être reconnues comme telles.

Enfin, les résultats de l’enquête confirment l’efficacité des actions d’aller-vers en rue, telles que mises en place quotidiennement par Hors la rue, pour le repérage, la création de lien et l’accompagnement des victimes. En 2022, 79% de celles identifiées comme victimes de contrainte à commettre des délits ont été identifiées grâce à des maraudes.

 


Pour en apprendre plus sur la traite des êtres humains, vous pouvez vous rendre sur notre centre de ressources dédié à ce phénomène, où vous trouverez notamment un ensemble de fiches pratiques sur les mineurs contraints à commettre des délits.

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