La collaboration entre tous pour lutter efficacement contre la traite

Article rédigé par le Collectif “Ensemble contre la Traite des Etres Humains” avec la participation de Julie Jardin, chargée de mission de Lutte contre la Traite des Êtres Humains,  à Hors la rue.

La formation novatrice « Enquête et protection des victimes : les enjeux en matière de traite des êtres humains » a eu lieu en juillet 2019 au fort de Rosny (93), en partenariat avec des associations. Elle a réuni sur un même plateau des enquêteurs, des avocats, des magistrats, des travailleurs sociaux d’institutions et d’associations pour un jeu de rôle grandeur nature destiné à favoriser la collaboration interprofessionnelle.

Autour d’une victime de traite, il y a un certain nombre d’acteurs qui gravitent. Ils vont agir chacun à leur niveau sans nécessairement se concerter entre eux ou se coordonner.

La formation, inspirée par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, a été conçue et mise en œuvre par l’École nationale de la magistrature, la Direction générale de la gendarmerie nationale, le Barreau de Paris, le Bus des femmes et ALC Dispositif Ac.Sé.

L’association Hors la rue membre du Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » a été associée à la préparation du contenu des scripts, grâce à son expérience de terrain avec des mineurs victimes de traite, contraints à commettre des délits… D’autres associations du collectif comme le Comité Contre l’Esclavage Moderne (CCEM) et l’Amicale du Nid participaient à la formation, en tant que stagiaires.

Favoriser la collaboration entre les acteurs

L’objectif de la formation était avant tout de travailler la coopération entre les différents professionnels intervenant dans le contexte de la traite pour renforcer l’efficacité de la poursuite des exploiteurs et de la protection des victimes.

Un dispositif pédagogique expérimental et innovant

La formation se présentait comme un jeu de rôle, au plus proche du réel (la formation étant inspirée de vraies enquêtes), à l’intérieur duquel chaque professionnel – enquêteur, magistrat, travailleur social, avocat – jouait son propre rôle.
Elle était articulée autour de 2 scénarios, écrits par les associations participantes et directement inspirés de situations réelles qu’elles avaient rencontrées. L’un faisait référence à la traite à des fins d’exploitation sexuelle, l’autre à l’incitation à commettre des délits. Hors la rue a ainsi pu, lors de la conception du contenu de la formation, décrire des situations concrètes auxquelles l’association est confrontée dans la réalité mais également mettre en avant la question de l’emprise, très présente chez les victimes de traite.

« Le jeu de rôle, calqué sur la réalité, s’appuyait sur le code pénal, le système légal réel et les textes en vigueur. Ainsi, les participants pouvaient concrètement mettre en pratique tels quels les enseignements tirés de la formation. »

De l’expérimentation à la prise de recul

Au cours de la journée, les participants étaient confrontés à des situations successives tirées des scénarios, auxquelles ils devaient réagir comme dans l’exercice de leur métier. Chaque journée se terminait par 1h de débriefing par corps de métier afin de tirer des enseignements sur la collaboration entre acteurs par rapport à la journée vécue, pour les mettre en pratique la journée suivante.

Une fois dans la semaine, des représentants de chaque corps de métier se sont rencontrés pour identifier les incompréhensions entre acteurs et mieux appréhender les actions de chacun. Ils ont ainsi été amenés à trouver des solutions pour mieux travailler conjointement dans le même objectif : la lutte contre les exploiteurs et la protection des victimes.

Le dernier jour, les rapporteurs de chaque corps de métier ont présenté ensemble à tous les participants les observations de la semaine et une synthèse des améliorations possibles.

Les résultats observés du côté des institutions

Ce dispositif original et expérimental a été d’une grande efficacité. Chaque participant a pu prendre conscience du rôle joué par chaque corps de métier et comprendre les actions de chacun. Ils ont ainsi pu apprécier ce que pouvait apporter une réelle collaboration entre les acteurs gravitant autour d’une victime de traite, pour améliorer l’efficacité de la lutte contre les exploiteurs et de la protection des victimes.

Le jeu de rôle, très proche du réel, a permis à chaque participant de repartir avec des enseignements concrets, permettant de corriger les dysfonctionnements de collaboration, à mettre immédiatement en pratique dans leur vie professionnelle.

« Les avocats ont, par exemple, été surpris de voir à quel point les associations, par leur présence rassurante auprès des victimes, pouvaient être des facilitateurs dans les échanges et les entretiens »

« De leur côté, les enquêteurs ont découvert que les associations, au plus proche des victimes, pouvaient aussi être des soutiens précieux, qu’ils pouvaient solliciter. Inversement, les échanges avec les enquêteurs ont aussi permis de déconstruire certaines idées et mettre en avant le rôle qu’ils pouvaient jouer lors d’une enquête, en termes de protection. »

Les résultats observés par une association ayant participé

Apporter notre pierre dans l’écriture d’un des scénarios nous a permis d’évoquer avec d’autres corps de métiers des situations ou des dysfonctionnements que nous sommes amenés à rencontrer dans notre travail quotidien et dont ils ne sont pas nécessairement conscients.

Par ailleurs, au cours de la semaine de formations, il était tout aussi intéressant d’observer les stagiaire et voir comment ils s’emparaient de cette même histoire et comment ils surmontaient « dans le jeu » certaines difficultés en proposant leurs propres solutions.

« Le fait d’être réunis plusieurs jours, tant lors de moments formels qu’informels, avec d’autres participants, venant d’horizons et de territoires différents, a permis pour beaucoup d’entre eux de se créer des contacts utiles mais aussi de s’inspirer d’autres pratiques professionnelles et mieux comprendre à quel point le besoin de mieux se coordonner est impérieux. »

Facebook

Twitter