Les actions d’Hors La Rue

Repérer, accrocher les mineurs victimes

L’action de repérage des enfants et des adolescents présumés victimes d’exploitation, voire de la traite des êtres humains (TEH) exercée quotidiennement par notre équipe pluridisciplinaire sur les lieux d’errance, d’activité et/ou les lieux de vie de ces derniers s’avère fondamentale. Il y a en effet en France, et notamment en région parisienne, un nombre conséquent de mineurs présumés victimes de traite qui restent invisibles, car non repérés et qui ne bénéficient donc pas d’une protection adaptée à leur condition.

Lors de nos rencontres, nous tentons de créer un lien de confiance et de nous faire identifier comme des professionnels bienveillants pouvant apporter aux jeunes un soutien ponctuel et durable. En ce sens, nous leur proposons de participer à des activités et menons avec eux des projets spécifiques. Cela leur offre un répit à la rue et les replace dans un rôle d’enfant.

La confiance établie, nous tentons de construire avec les jeunes des projets personnalisés afin de leur garantir une protection et de les éloigner de leur activité.

Afin de ne pas rompre le lien avec les jeunes et dans la continuité du travail d’accroche qui est mené en rue, nous intervenons également en détention lorsque ces derniers se retrouvent incarcérés suite à la pratique d’activités délinquantes forcées. Ces visites sont souvent l’occasion pour l’éducateur de pouvoir aborder avec les jeunes une solution d’éloignement géographique pour un placement sécurisé en vue de leur sortie de prison.

Enfin, pour approcher certains enfants et adolescents, nous intervenons dans d’autres contextes, plus favorables à une approche individuelle que celui de la rue. Nous sommes ainsi amenés à intervenir en sortie de commissariat, de déferrement ou dans le cadre de mises à l’abri d’urgence en foyer. Ces actions se veulent innovantes pour offrir des réponses « sur mesure » et adaptées à la problématique particulièrement complexe de la traite des mineurs victimes et/ou à risque de nouvelle exploitation, en particulier pour les mineurs contraints à commettre des délits.

Accompagner les mineurs vers la conscientisation de leur statut de victime


Créer des espaces de confiance

Nos observations de terrain mettent en lumière une conjonction d’indicateurs objectivables relevant de la TEH. Ces constats peuvent ainsi être des premiers leviers au service de l’équipe pour tenter d’aborder avec les jeunes des questionnements liés à une éventuelle contrainte, tout en construisant la relation de confiance, nécessaire pour faciliter la libération de la parole des jeunes. Puis, c’est par la régularité de nos rencontres en rue, l’organisation d’activités individuelles ou collectives, la mise en œuvre d’accompagnements, lors de sorties de garde à vue, de déferrement ou de visites en détention, que l’équipe contribue à se faire identifier comme adultes bienveillants et constants dans l’accompagnement proposé. Ces contextes multiples sont précieux pour permettre de créer un cadre de confiance où le sujet de l’exploitation peut être abordé, les droits des victimes expliqués et un accompagnement adapté proposé. 

Des leviers de conscientisation divers

En 2022, après plusieurs mois d’accompagnement, plusieurs jeunes ont ainsi pu commencer à exprimer à notre équipe devoir travailler pour « des majeurs » sans toutefois se penser comme victime d’exploitation et/ou désirer être protégés, encore moins éloignés. 
On peut supposer que cette parole libérée a pu être favorisée, en partie, par le type d’emprise exercé sur ces jeunes. Contrairement aux publics originaires d’Europe de l’Est accompagnés par Hors la rue, exploités dans le cadre intrafamilial, il apparaît que l’exploitation des jeunes originaires du Maghreb s’opère par des personnes extérieures à la famille, pouvant ainsi limiter le risque de conflit de loyauté et d’effondrement psychique et favoriser la dénonciation des faits. 
 
Malgré cela, le travail de conscientisation du statut de victime prend du temps et doit s’adapter à la temporalité du jeune. En complément de l’accompagnement psychologique nécessaire pour déconstruire les mécanismes d’emprise, l’équipe a pu s’appuyer sur différents leviers pour accompagner les jeunes à se penser comme victimes. 
 
Ainsi, l’arrestation de plusieurs adultes au cours de l’année, consécutivement à des enquêtes révélant la présumée contrainte à commettre des délits de mineurs suivis par Hors la rue, s’est révélée être un excellent outil pour pouvoir aborder ce sujet avec les jeunes et mettre des mots sur ce qu’ils ont vécu ou vivent toujours. Un travail partenarial avec les avocats de l’antenne des mineurs de Paris a aussi été mis en place dans l’objectif d’organiser des ateliers de sensibilisation aux droits et expliquer les possibilités de régularisation auxquelles les jeunes victimes peuvent prétendre tout en déconstruisant les idées reçues transmises par leurs exploiteurs. 
 
Par ailleurs, dans certaines situations, c’est l’observation par les professionnels de violences exercées de manière répétée et la gradation de celles-ci, qui a pu être utilisée par l’équipe pour pouvoir engager une discussion sur des liens avec une éventuelle exploitation et libérer la parole. 

Hors la rue, fonction de fil rouge

Lorsque les jeunes verbalisent devoir exercer des activités sous la contrainte, notre équipe mène un long travail en lien avec les partenaires impliqués dans les situations (PJJ, ASE) et visant à leur protection. Diverses démarches sont ainsi mises en œuvre : proposition et accompagnement au dépôt de plainte sur le motif de la TEH, mise en lien avec des avocats spécialisés et administrateurs ad hoc, accompagnement(s) aux audiences pénales, lien avec les parquets des mineurs, préparation à l’éloignement du mineur dans des dispositifs éloignés et formés lorsque le jeune adhère au projet et mise en lien avec lesdites structures.
 
Si les supports utilisés par notre équipe permettent de faire prendre conscience aux jeunes de leur statut, nous remarquons que la libération de la parole ne peut véritablement se déclencher que lorsque le mineur est protégé, éloigné géographiquement et psychiquement du lieu d’exploitation dans des structures sécurisantes et formées aux problématiques de TEH.

Faire connaître la traite aux professionnels et décideurs politiques

Au fil des ans, nous sommes devenus une association reconnue pour son engagement dans la lutte contre la TEH des mineurs étrangers.

Nous faisons partie du collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » et nous sommes régulièrement sollicités par des institutions, sur le plan national ou local, afin de partager notre expérience dans la lutte contre l’exploitation des enfants. 

À ce titre, nous avons participé à des missions interministérielles et avons contribué à mettre en place un dispositif expérimental d’éloignement des mineurs victimes de TEH en 2016 qui est aujourd’hui étendu à d’autres départements. 

Nous menons également un travail de plaidoyer, en lien avec nos partenaires, afin de mieux faire connaître les enjeux de la traite et d’aider à développer des solutions pour y faire face.

Enfin, nous proposons des sessions de sensibilisation aux acteurs associatifs (professionnels et bénévoles), institutionnels et du champ judiciaire pour une meilleure connaissance et prise en charge du public repéré et accompagné. 

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